L’Union Européenne sans politique énergétique

(24 mars 2009)

 

Déjà, à plusieurs reprises, sur ce site, nous avons été amenés à déplorer que l’Union Européenne soit négligente et à vrai dire inexistante en matière d’énergie alors que l’énergie est bien une des quelques clés essentielles de l’avenir.

Faute de texte juridique contraignant dans ce domaine on voit aujourd’hui l’Europe imposer la libération de la concurrence du marché de l’électricité et du gaz puis prôner les économies d’énergies non renouvelables. Ce sont de bonnes intentions mais mises en œuvre par application des idéologies qui ont cours aujourd’hui dans l’Union : un libéralisme mal régulé et un écologisme teinté de dirigisme. N’y a-t-il pas quelque absurdité à se préoccuper d’économies d’énergie sans d’abord se préoccuper des moyens d’assurer à tous le meilleur accès à l’énergie ? Meilleur s’entendant ici comme meilleur en termes de prix, d’indépendance à tous égards, de conséquence pour l’environnement, de durabilité, etc…

Il faut espérer que ces politiques aboutissent à des résultats heureux mais, s’il est bien trop tôt pour se prononcer sur les économies d’énergie, on peut d’ores et déjà constater que l’ouverture des marchés du gaz et de l’électricité n’a pas eu les résultats escomptés. Au lieu de casser les monopoles régionaux en France, Grande Bretagne, Allemagne, Espagne, Belgique ou Italie et favoriser la baisse des prix  cette politique a, certes, cassé les monopoles mais permis aux entreprises survivantes de se transformer en groupes puissants au plan international (EDF, E.On, RWE, GDF SUEZ,..) alors que d’autres moins heureuses ont été affaiblies (Italie) ou absrbées (Angleterre, Espagne, Belgique)  par ces nouveaux Groupes ou d’autres, et tout cela sans que le consommateur voit les prix baisser.

Faisant suite, à son origine, à la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) l’Europe a vu le jour à Rome le 25 mars 1957 avec la signature de deux traités : celui de la Communauté Economique et celui de la Communauté de l’Energie Atomique. Le premier, très vivant, a fait l’objet d’ajouts, modifications, compléments et élargissements pendant 50 ans alors que le second est resté figé dans un immobilisme résultant de la lutte entre ses rares défenseurs et ceux voulant le dénoncer pour différents motifs, les uns constatant que le nucléaire n’était plus guère populaire et les autres étant réfractaires à un traité qu’ils n’avaient pu négocier.

Sans chercher à refaire l’histoire depuis la proposition initiale de Robert Schumann du 9 mai 1950, il est permis de regretter que ce dernier n’ait pas, dès l’origine, étendu à l’énergie son projet de mise en commun des ressources en charbon et acier.

Aujourd’hui, l’Union Européenne n’est pas si unie que cela en matière d’énergie, elle en est même très loin :

- certains ont toujours fait confiance au pétrole au point d’en être dramatiquement dépendants, c’est le cas de l’Italie ;

- certains cherchent toujours à se ‘débarrasser’ du nucléaire, c’est le cas de l’Allemagne, alors que d’autres – plus nombreux – cherchent à le relancer, c’est le cas de l’Angleterre depuis que son gaz se raréfie, c’est le cas de l’Italie et de la Suède depuis peu,  les hollandais apparemment aimeraient suivre le mouvement, etc… ;

- certains en Europe Centrale après avoir vécu sous le joug soviétique, sont retombés dans une dépendance gazière vis-à-vis de la Russie ;

- certains comme l’Allemagne n’ont pas craint de relancer une collaboration en tête à tête avec la Russie au grand dam de la Pologne et des Etats baltes avec la réalisation du gazoduc de la Baltique (North Stream) alors que d’autres cherchaient à s’affranchir de cette même Russie en établissant un axe concurrent pour acheminer le gaz en provenance d’Asie Centrale (Azerbaïdjan, Arménie,…) en contournant la Russie et la Mer Noire (projet Nabucco) ;

- alors que d’autres enfin comptent sur le gaz russe… et de façon illusoire sur la solidarité européenne en cas de coupure ce celui-ci ;

- et que tous ou presque espèrent – sans l’avouer – que, avec l’aide de Bruxelles et l’amélioration de l’interconnexion des réseaux ils pourront bénéficier de l’électricité nucléaire française pour alimenter en base leurs réseaux.

Bref s’agissant d’une question aussi fondamentale que l’énergie, concernant absolument tout le monde, il n’y a dans l’Union aucune réflexion stratégique commune…juste un ‘chacun pour soi’ préjudiciable à tous. A chacun de se débrouiller !

Le divorce récemment annoncé entre Siemens et Areva et le soudain mariage de l’Allemand avec le russe Rosatom ne font que rendre plus difficile la création d’une Europe de l’énergie. En effet, après avoir décidé en 2001 de sortir du nucléaire et convenu avec Areva d’intégrer à Areva NP toute sa division nucléaire (équipes, installations et connaissances), Siemens a constaté que le contexte mondial évoluait. Aussi la nouvelle direction de Siemens a pris acte du fait qu’elle ne pouvait pas espérer que la France accepte son entrée au capital d’AREVA, au moins tant que l’Allemagne n’aurait pas décidé de revenir sur son abandon du nucléaire.

Il n’en demeure pas moins qu’il est très préoccupant de voir la démarche allemande s’engager et  l’Europe de l’énergie s’éloigner encore un peu plus.

Le député européen et ancien ministre français des Affaires européennes, Alain Lamassoure, vient d’exprimer son sentiment sur ce sujet (Nuage atomique au-dessus de l'Europe de l'énergie) dans un article qu’on pourra trouver ici *

On trouvera par ailleurs le point de vue exprimé par Noëlle Lenoir, ancienne ministre des Affaires européennes, actuelle Présidente du Cercle des Européens et de l’Institut d’Europe d’HEC sur le thème « Les Européens ne doivent pas renoncer à une politique nucléaire commune **». Noëlle Lenoir développe des arguments parfaitement étayés et construits pour conclure :

La coopération franco-allemande apparaît comme le vecteur indispensable, sinon suffisant, de la construction d’une Europe économique et politique maître de son destin. Ce qui veut dire que pour renouer avec l’idée d’une politique nucléaire commune, on ne peut se passer du dialogue franco-allemand.

                                                                              

Bernard Lenail

*          http://energie.lexpansion.com/articles/Energie-Nucleaire/2009/03/Nuage-atomique-au-dessus-de-l-Europe-de-l-energie/

**         http://www.ceuropeens.org/Les-Europeens-ne-doivent-pas.html